LA CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN
LA FIN DE L’EMPIRE ROMAIN
Chroniques d’une mort annoncée
Thierry Piel
(Revue d’Histoire Européenne n°2, 2020, p. 49-51)
Et le Moyen Âge fut…
Il est traditionnellement admis que la question de la chute de Rome ne s’imposa véritablement qu’à partir du moment où l’Europe humaniste en vint à identifier le déclin, voire la disparition, de l’Empire romain avec l’effondrement de la culture antique gréco-romaine. N’était-ce pas le sens même de cette révolution intellectuelle, de cette Renaissance, apparue à l’aube du xve siècle à Florence ? À l’idée d’une continuité historique rattachant la chrétienté latine médiévale à la figure de Constantin, premier empereur romain chrétien, on substitua un nouveau sens de l’histoire, celui d’un effondrement civilisationnel plongeant l’Occident romain dans un Moyen Âge, expression forgée pour souligner le prétendu obscurantisme des siècles médiévaux. Dans ces conditions, le siècle de Constantin (ive siècle), auquel la papauté, les empereurs carolingiens puis germaniques se référaient, se retrouva de facto associé au déclin, voire au naufrage, de la culture classique. Ce faisant, cette tripartition Antiquité/Moyen Âge/Renaissance sera à l’origine d’une confusion épistémologique superposant une fin de l’Antiquité, s’inscrivant sur un temps long, à une chute de l’Empire romain, événement circonscrit dans un temps court. Ajoutons à ce constat que les hommes de la Renaissance envisageaient la chute de Rome du seul point de vue occidental, celui-ci ayant survécu sur tout ou partie de l’Orient jusqu’en 1453. Seule la partie occidentale connut, à partir de la grande invasion de 406/407, un délitement qui était parvenu à son terme lorsque, en 476, Odoacre, après avoir déposé le dernier empereur romain d’Occident Romulus Augustule – un usurpateur, soit dit en passant, qui avait succédé à Julius Nepos, candidat officiel de l’empereur d’Orient – renvoya les insignes impériaux à Zénon, empereur d’Orient et désormais seul empereur romain.
Gibbon et les ruines de Rome
Faire de la chute de Rome un événement historique pivot conduisait à en établir les causes internes et externes. On insista très tôt sur la notion de décadence, envisagée comme un abandon progressif par les Romains des vertus qui leur avaient jadis permis de triompher de leurs voisins et de tenir en respect des peuples barbares. Cet argumentaire simpliste et caricatural trouvait sa justification dans les écrits des Anciens, contemporains des crises et invasions que connaissaient l’Empire romain depuis la percée gothique de 250. Toutefois il convient de bien replacer ces appréciations pessimistes dans le contexte plus général d’une littérature antique sensible au retour cyclique de l’histoire, ayant ainsi une propension à faire valoir un prétendu âge d’or en dénonçant les malheurs réels ou supposés des temps. Les mêmes lamentations se retrouvent chez Caton l’Ancien, Cicéron ou Juvénal, auteurs vivant dans un Empire romain conquérant et prospère.
C’est au siècle des Lumières que le tragique destin de l’Empire romain va susciter un intérêt accru comme paradigme de la naissance, vie et mort des civilisations. Une œuvre fit tout particulièrement date, celle d’Edward Gibbon, Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, dont le premier volume parut en 1776. S’appuyant entre autres sur les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence de Montesquieu (1734) et l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations de Voltaire (1756), l’historien anglais parcourt l’histoire de Rome de l’avènement de Nerva (96), empereur ouvrant le prestigieux siècle des Antonins jusqu’à la chute de l’Empire byzantin et même un peu au-delà (1590). Nous n’évoquerons pas le spectre chronologique choisi par l’auteur qui, s’il a le mérite de ne pas s’arrêter à la chute de l’empire d’Occident, nous apparaît aujourd’hui assez incongru. Pour ce qui est du parti pris, il reprend pour l’essentiel les lieux communs de la littérature antique avec une touche antichrétienne – traduisons « anticléricale » –, bien dans l’air du temps. Le pacifisme militant de la nouvelle religion avait, d’après Gibbon, contribué à désarmer l’Empire. Cette idée d’un coup de poignard chrétien dans le dos aura la vie longue. L’historien français André Piganiol en fera encore état en 1947, dans L’Empire chrétien, comme pièce à conviction de l’« assassinat » de l’Empire romain ; ce sont ses termes.
Décadence romaine ou antiquité tardive ?
Nous reprenons ici le titre d’un ouvrage d’Henri-Irénée Marrou publié en 1977. C’est en 1949, lors de la réédition de la thèse d’État qu’il avait consacré à Saint Augustin et la fin de la culture antique, que l’historien en vint à proposer une nouvelle approche de la fin de l’Empire romain, envisagée comme une période de l’histoire à part entière entre le iiie et le vie siècle. Cette prise de conscience d’une culture antique tardive, distincte de celle qu’avaient connue Cicéron, Sénèque ou Marc Aurèle, avait débuté dès le début du xxe siècle. En 1901, Aloïs Riegl avait réhabilité cette romanité tardive dont, selon lui, les productions intellectuelles et matérielles devaient être considérées pour elles-mêmes et non comme le pâle reflet des réalisations des siècles antérieurs. Cette nouvelle problématique insistant sur les continuités plutôt que sur les ruptures civilisationnelles est reprise par l’historien anglo-saxon Peter Brown dans son ouvrage La Toge et la mitre. Le Monde de l’Antiquité tardive (1971). Les nouveaux apports de l’archéologie et le progressif abandon des préjugés moraux sur les Romains du Bas-Empire, expression condescendante apparue sous la plume de l’historien français Charles le Beau en 1752, ont également permis de révéler la capacité de l’Empire à se réformer à l’épreuve des menaces extérieures auxquelles il devait faire face. Les empereurs de cette période tardive cessaient d’être uniquement considérés comme les fossoyeurs du principat augustéen. Les mesures audacieuses entreprises par un Dioclétien ou un Constantin renforçant la bureaucratie impériale et intégrant plus de mercenaires barbares dans l’armée romaine répondaient à l’impérieuse nécessité de faire face à un contexte inédit pour l’Empire, celui d’un rapport de force militaire de plus en plus défavorable, dans un contexte climatique et démographique médiocre (Kyle Harper, Comment l’Empire romain s’est effondré. Le climat, les maladies et la chute de Rome, 2017). Sauf découverte d’une arme de destruction massive, l’Empire, telle une peau de chagrin, ne pouvait que se replier autour de ses parties les plus saines. Encore limités au iiie siècle, les abandons territoriaux furent d’une tout autre ampleur après l’invasion gothique de 376 puis celle des Vandales, Alains et Suèves sur le Rhin en 406/407.
Ces vingt dernières années, plusieurs historiens se sont élevés contre les tenants d’une vision jugée trop irénique de la fin du monde antique. Dans un stimulant essai, Bryan Ward-Perkins (La Chute de Rome. Fin d’une civilisation, 2005) insiste sur ce que dut être le quotidien des populations romaines confrontées à l’irruption de populations allogènes qui, aux ive-ve siècles, s’installent manu militari au cœur de l’Empire. Le pillage récurrent des villes, centres vitaux de la civilisation gréco-romaine, la déprise administrative et militaire de l’État impérial délièrent au final les sujets occidentaux d’un empereur inapte à les protéger. Aux autorités provinciales succédèrent alors, au fil du siècle, des royaumes barbares au fonctionnement duquel contribueront les notables locaux, les évêques au premier rang. Cette analyse, que l’on qualifiera de « décliniste », ne doit cependant pas être nécessairement opposée aux travaux « continuistes » initiés par Marrou et Brown, compte tenu de leurs approches respectives et tout autant respectables de la fin du monde antique. Quel rapport existe-t-il entre l’ouvrage de Peter Heather (Rome et les barbares. Histoire nouvelle de la chute de l’empire, 2005), soulignant les dysfonctionnements qui, au fil du temps et tout particulièrement entre 376 et 476, conduisirent l’Empire à se replier sur ses provinces hellénophones, et la thèse d’Hervé Inglebert (Les Romains chrétiens face à l’histoire de Rome, 1996) montrant de quelle manière les chrétiens se sont appropriés l’historiographie de la Rome païenne ? À travers ces deux exemples, nous voulions seulement souligner la diversité des champs de la recherche sur une période d’une grande complexité qui, à l’heure des préoccupations écologiques, des krachs boursiers et des terrorismes, nous rappelle que les civilisations sont mortelles. Dernière publication sur le sujet, le beau et bon manuel de Claire Sotinel (Rome, la fin d’un empire. De Caracalla à Théodoric, 2019) auquel nous ajoutons la courte mais excellente contribution de Jean-Louis Voisin (« La longue agonie de l’Empire romain d’Occident », dans P. Gueniffey et T. Lentz, La Fin des empires, 2016).
LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN - Vidéographie
Prologue
KAMELOTT SAISON 1, LE DERNIER EMPEREUR
Alexandre Astier (2005) FR :
Les ruines de Rome
0.17.32 à 0.20.23 (Tome 2)
1. LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN
Anthony Mann (1963) US :
Une chute sans fin
2.46.24 à 2.52.11
2. SOUS LE SIGNE DE ROME
Guido Brignone et Riccardo Freda (1959) IT/FR/DE/YU :
Rome sur la défensive
1.19.48 à 1.25.11
3. LE SIGNE DU PAÏEN
Douglas Sirk (1953-1954) US :
Rome submergée
0.1.42 à 0.2.29
4. ATTILA LE HUN
Dick Lowry (2001) US :
Le fléau de Rome ?
00.33.06 à 00.35.30
5. LE SIGNE DU PAÏEN
Douglas Sirk (1953-1954) US :
Le fléau de Dieu ?
1.09.57 à 1.13.01
6. LA DERNIÈRE LÉGION
Doug Lefler (2006) US/GB/FR/IT/SI/TN :
Le dernier empereur d’Occident
0.6.24 à 0.10.40
Épilogue
KAMELOTT SAISON 2, LE RECLASSEMENT
Alexandre Astier (2006) FR :
Rome Urbi et Orbi
0.18.34 à 0.22.10 (Tome 1)
LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN
L’Empire romain n’a pas disparu en 476 avec le sac de Rome et les invasions germaniques. Partagé en deux parties ; l’Empire romain d’Occident et celui d’Orient depuis la fin du IIIe siècle, la branche orientale perdura jusqu’en 1453 devenant le célèbre Empire Byzantin.
L’Empire romain a donc vu pendant près de 1500 ans se succéder des centaines d’hommes et de femmes sur le trône impérial aussi nous vous proposons de retrouver la hiérarchie de quelques-uns de ces Empereurs, les plus connus. Dirigeants modèles, tyranniques, guerriers, sanguinaires ou fantoches, mais aux personnalités toujours complexes. Ils furent tantôt célébrés, tantôt condamnés à l’oubli. Certains luttèrent pour le trône de la plus grande civilisation de l’histoire, d’autres déchantèrent rapidement devant ce lourd fardeau. Car il ne faisait pas bon d’être Empereur où d’y être apparenté. Les complots, trahisons et assassinats étaient constants, les ennemis et rivaux considérables et la tâche exigeante.
Les Empereurs romains les plus célèbres :
CESAR 100 à 44 av J.C.
AUGUSTE 27 av J.C. à 14 ap J.C. le plus célèbre des Empereurs
TIBERE 42 av J.C. à 37 ap J.C.
CALIGULA 37 à 41 ap J.C. l’Empereur décrié, fou sanguinaire et condamné à l’oubli.
CLAUDE 41 à 54 ap J.C. conquit la Grande Bretagne, il étendit largement l’Empire romain avant d’être trahi par les siens.
NERON 54 à 68 ap J.C. il massacra les chrétiens, assassina ses proches, mit le feu à Rome, peut-être le plus terrible des Empereurs.
DOMITIEN 51 à 96 ap J.C.
HADRIEN 117 à 138 il consolida et transforma l’Empire romain.
MARC-AURELE 161 à 180 le dernier des « 5 bons Empereurs »
COMMODE 177 à 192 préparé à gouverner dès sa naissance, il fut pourtant l’un des Empereurs les plus inaptes à gouverner de tous les temps.
CONSTANTIN LE GRAND 306 à 337 les chrétiens avaient nourri les lions du Colisée pendant des siècles mais sous Constantin, ils gagnèrent le droit d’exister.
Les Grandes guerres de l’Empire romain
Les guerres Puniques 264 à 146 av J.C.
La conquête de la Grèce 200 à 133 av J.C.
La conquête de la Gaule par César 57 à 50 av J.C.
Le long de l’Elbe 12 av J.C à 16 ap J.C.
La conquête des plaines de Bretagne 43 à 70 ap J.C.
Les campagnes d’Agricola au nord 79 à 84
Les campagnes de Trajan avec la conquête de la Dacie 98 à 117